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Couvés par des Mères Poules  

 

Même si l'article date de 1993, la technique toujours utilisée donne de bons résultats.

La technique a beau être très ancienne, on n'a pas encore trouvé mieux. Autrefois essentiellement employée par les gardes des belles chasses privées, l'élevage des poussins de gibier sous poule naine a fait école. Aujourd'hui, il est de plus en plus utilisé par les responsables cynégétiques communaux pour repeupler leurs territoires. A Montauban, dans le Tarn et Garonne, Lucien Salitot est ainsi devenu depuis une dizaine d'années le «papa poule» de l'ACCA.
Paysan à la retraite, il est à la fois disponible et compétent pour conduire les opérations. Il connaît les habitudes des volailles domestiques, et son sens de l'observation lui a permis de mieux maîtriser le comportement des perdreaux, à l'époque où il menait la campagne de battage dans sa région. Il faut toutefois ajouter que la méthode a pu être affinée grâce à un éleveur professionnel de gibier de la même commune, qui lui a donné quelques conseils éclairés et; surtout, lui a fourni des neufs.

Pour lâcher des perdreaux avec une poule meneuse, il existe plusieurs façons de procéder. La technique, qui a fait les beaux jours des chasses de Sologne, consiste à faire adopter des poussins dits « d'un jour ». En fait, ces oiseaux ont au moins 48 heures d'âge, car on les laisse dans l'éclosoir artificiel jusqu'à ce qu'ils soient bien secs. 
On place ensuite quelques jeunes sous une poule qui couve depuis une douzaine de jours, pour s'assurer qu'elle est bien « sage », l'adoption étant facilitée si on procède à la tombée de la nuit. Si tout semble bien se passer, on peut ajouter dès le lendemain d'autres poussins, dont le nombre sera fonction du volume et du caractère de la poule. Longtemps employées pour le repeuplement en faisans, les poules meneuses se sont avérées également efficaces pour les perdrix grises et rouges, elles faisaient même partie des modes de lâcher préconisés par le Conseil supérieur de la chasse dans les années 60. 


Le dix-neuvième jour

Selon une autre méthode, on peut aussi placer des oeufs de perdrix sous une poule durant toute leur incubation. Mais cela augmente les risques de casse. La technique employée par Lucien Salitot et ses amis, qui consiste à placer les oeufs sous la mère adoptive quelques jours avant leur éclosion constitue donc un excellent compromis. Elle exige cependant une bonne organisation. Il faut d'abord s'assurer de la complicité aussi proche que possible d'un éleveur de gibier. Car le moment privilégié est le dix-neuvième jour d'incubation, lorsque l'éleveur retire les oeufs de l'incubateur pour les placer dans un éclosoir. Dans la plupart des cas, cette opération a lieu à jour fixe, et souvent une fois par semaine en pleine saison; ce qui permet de ne pas trop faire patienter la poule. Ce jour-là, Lucien Salitot est prêt. Il n'hésite pas à rouler avec les vitres de sa voiture fermées, le chauffage à fond, en plein mois de juin. «Il ne faut prendre aucun risque. ».
Les poules constituent évidemment un élément essentiel de ce type d'entreprise. La solution la plus  économique, autrefois très répandue, demeure la recherche, le moment venu, des poules couveuses dans les fermes avoisinantes. Mais ce n'est pas la plus simple. Elle nécessite beaucoup de temps et les chances de succès restent aléatoires. Il est en effet rare de rencontrer quelqu'un qui va vous céder une poule idéale. En fait, il vaut mieux posséder ses propres volailles.


Un lâcher intelligent

On peut ainsi sélectionner une race bien adaptée, et surtout conserver ses meilleures poules qui deviennent peu à peu de véritables spécialistes. Sachant qu'une poule naine peut être utilisée jusqu'à l'âge de sept ou huit ans et qu'elle est apte à remplir ses fonctions dès sa première année, une basse-cour peut s'avérer un investissement judicieux pour une société de chasse. Un coq et une douzaine de poules permettent d'installer une dizaine de compagnies de perdreaux par an, tout en conservant une ou deux couvées de poules naines pour entretenir l'effectif et la sélection, voire céder quelques sujets à des sociétés voisines.
Pour garantir une bonne éclosion et conduire les perdreaux en bas âge, il faut choisir des poules de race naine. Les mieux adaptées sont la wyandotte, la nègre soie et la Pékin. Prenez contact avec des maisons spécialisées qui. vendent même par correspondance, soit des sujets adultes, soit des jeunes de quelques semaines.


Il faut prévoir aussi un peu de matériel. Chaque poule amenée à recevoir des oeufs de perdrix doit être placée dans une caisse de bois en volige ou en contreplaqué, façonnée dans un cube de 30 à 40 cm de côté avec le toit ouvrant. L'avant de la caisse est constitué de barreaux verticaux espacés de 3 à 5 cm pour permettre aux jeunes de sortir. L installation est complétée par un parcours grillagé sans fond grâce auquel les perdreaux profitent de la verdure printanière, et qui peut être déplacé en fonction de la végétation. 
Selon les conditions météo, la compagnie et sa poule meneuse pourront rejoindre le point choisi pour le lâcher dès que les perdreaux auront deux à trois semaines. On peut alors les placer dans un parc de quelques mètres carrés dont on soulèvera légèrement une extrémité le moment venu pour que les jeunes profitent de la liberté, alors que la poule restera en captivité. En réalité, la taille et le type des installations employées n'ont pas une importance cruciale. L'essentiel étant que la mère adoptive serve à cantonner les perdreaux. 
Car si la méthode présente l'inconvénient d'exiger une main d'œuvre importante, elle conserve à juste titre la meilleure réputation quant au cantonnement des compagnies. En réalisant ce type de lâcher sur les territoires traditionnels de compagnies sauvages auxquelles les oiseaux d'élevage se mêleront, le succès de l'opération peut dépasser tous les espoirs.


extrait: Le Chasseur français (juin1993)